Quelques extraits :
Olivier Dehorter, ornithologue au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), (...) souligne le rôle prépondérant joué par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans la médiatisation de l'épizootie."Certains scientifiques ont réellement eu le sentiment que l'OMS montait cette histoire de grippe aviaire en épingle pour des questions liées à son budget, qui a été réduit ces dernières années", dit-il. "Les documents émanant de l'Organisation à destination des scientifiques ont d'ailleurs parfois été perçus comme moins alarmants que les communiqués de presse", ajoute M. Dehorter, rejoignant l'analyse de plusieurs experts français.
Surmédiatisée, l'épizootie de grippe aviaire a-t-elle pour autant été maltraitée ? "Au début, il y a eu beaucoup de confusion : des médecins étaient interrogés sur des questions vétérinaires, ce qui a contribué à créer un flou entre la maladie animale et une possible pandémie humaine, estime François Moutou, épidémiologiste à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa).
Par ailleurs, certains aspects ont été sous-traités comme, par exemple, les immenses problèmes économiques posés par l'épizootie dans les pays pauvres."
D'autres aspects, notamment le rôle des oiseaux migrateurs dans la propagation de la maladie vers l'Europe et l'Afrique ont été largement abordés dans les médias. Trop ? "A un moment donné, l'attention s'est focalisée sur les oiseaux sauvages et a totalement occulté les possibles causes humaines de la diffusion de l'épizootie, que ce soit le commerce légal ou les trafics de volailles", dit Guy Jarry, ancien directeur adjoint du Centre de recherche sur la biologie des populations d'oiseaux
(CRBPO). "Les gouvernements ont généralement demandé des expertises sur l'impact des migrateurs et jamais sur les routes commerciales, ou sur la porosité de certaines frontières aux trafics, analyse M. Dehorter. Reporter la responsabilité sur la faune sauvage permettait d'une certaine manière de se dédouaner, puisque les gouvernements n'ont pas de marge de manoeuvre sur les mouvements migratoires..."
"A partir de février, certains médias ont commencé à faire la part des choses sur ce sujet", tempère toutefois M. Jarry. Aujourd'hui, si le rôle de la faune sauvage n'est pas écarté, aucune contamination de migrateurs de retour d'Afrique n'a été observée en Europe.
Pourquoi la "mayonnaise médiatique" a-t-elle aussi bien pris ? Bernard Vallat, vétérinaire, actuel directeur général de l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE), fait l'analyse d'une manière de désir collectif de catastrophe. "Les peurs collectives contribuent à resocialiser les sociétés contemporaines qui ont basculé dans l'individualisme, dit-il. La peur des grandes épidémies, le spectre de la peste bubonique et du choléra sont inscrits pour longtemps dans la mémoire collective. Chaque journaliste est lui-même l'objet de ces pulsions, qu'elles soient rationnelles ou non." En outre, ajoute M. Vallat, "les rédacteurs en chef savent que cela se vend bien".
Conséquences de cette pression ? Souvent marquée, au début, par l'amalgame entre maladie animale et possible pandémie humaine, explique M. Vallat, la couverture médiatique "a pu conduire, dans un premier temps, de nombreux décideurs politiques à surestimer les ressources publiques devant être affectées à la prévention de la pandémie potentielle et à freiner les investissements indispensables pour prévenir et combattre la maladie à sa source animale dès qu'elle est apparue en Asie, autorisant ainsi le virus à coloniser les trois quarts de la planète".
Stéphane Foucart et Jean-Yves Nau
Mots-clés : grippe aviaire, actu française, international
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