"Monsanto, multinationale américaine née en 1901 à Saint-Louis, dans le Missouri, et d’abord spécialisée dans l’industrie chimique, est devenue en un peu plus d’un siècle le leader mondial des biotechnologies, en particulier sur le marché des organismes génétiquement modifiés (OGM). Elle détient les brevets de 90 % du maïs, du soja, du colza, ou du coton transgéniques cultivés dans le monde. Par le biais de rachats successifs, elle est en train de devenir le premier semencier de la planète et à terme, c’est la chaîne alimentaire toute entière qu’elle pourrait contrôler. Mais c’est d’abord avec le Round Up, son herbicide "total" (longtemps estampillé "biodégradable") qu’elle a commencé, à partir de 1974, à conquérir le monde. On lui doit aussi des produits aussi variés que le terrible Agent Orange, massivement déversé sur le Viêt-nam par l’armée américaine, les PCB (pyralène en France, interdit au début des années 80), l’aspartame ou les hormones de croissance (interdites en Europe et au Canada). Monsanto, avertit Marie-Monique Robin, est l’une des entreprises "les plus controversées de l’ère industrielle".
"Nourriture, santé, espoir" : sur son site, la firme de Saint-Louis promet une agriculture durable, aux rendements supérieurs, respectueuse de l’environnement. Journaliste d’investigation chevronnée, couronnée du Prix Albert-Londres en 1995, la réalisatrice a décidé de juger sur pièce, y compris en explorant le passé de l’entreprise. Sa première étape la mène à Anniston, en Alabama, où 40 % de la population, majoritairement noire, souffre de cancer. En 2002, Monsanto a été condamnée par la justice à lui verser 700 millions de dollars pour avoir dissimulé pendant des décennies la dangerosité des PCB…
Implacablement, d’Anniston jusqu’au Paraguay en passant par l’Inde, la Grande-Bretagne ou le Mexique, Marie-Monique Robin collecte des faits aussi alarmants qu’irréfutables et démonte point par point le discours de Monsanto. Elle démontre que, dans le dossier des OGM, les réglementations américaine et européenne ont été directement influencées, sans validation scientifique valable, par des alliés de la firme placés à des postes-clé au sein d’une administration tout sauf indépendante. Elle expose les stupéfiantes méthodes utilisées par la multinationale pour discréditer ses adversaires, mais aussi intimider les agriculteurs à domicile.
Elle laisse entrevoir enfin la catastrophe en germe dans les visées hégémoniques de Monsanto sur les semences du monde, dont les paysans indiens ou paraguayens subissent aujourd’hui les conséquences. "On ne devrait pas utiliser les citoyens comme des cobayes." Pour avoir exprimé ses inquiétudes à propos des OGM sur un plateau de la BBC, le biologiste Arpad Pusztaï fut licencié du jour au lendemain.
Quelques années plus tard, Le monde selon Monsanto donne une ampleur planétaire à cet avertissement."
Nous avons eu la chance de croiser Marie Monique Robin à plusieurs reprises dans des fêtes de famille, l'engagement qui est le sien dans la réalisation de ses documentaires ("Voleurs d'yeux" lui a valu le prix Albert Londres) est d'une dimension telle que sa vie a été en danger (en particulier lorqu'elle a infiltré les services secrets argentins afin d'essayer de démontrer que les méthodes employées par eux, comme la torture, leur avaient été enseignés par les services français !!). En ce qui concerne la firme du Missouri, la dimension de son travail est éminemment politique, car c'est bien d'un choix de société dont il s'agit, l'acceptation ou non de la mise sous contrôle par quelques-uns des moyens de nourriture de la planète. Et il est dans la continuité de plusieurs autres de ses réalisations (comme "Argentine, le soja de la faim") et participe au démoncement des difficultés des gens de la terre face aux choix des politiques agricoles des gouvernants ("Les jacqueries du bocage", "La faillite des paysans"), dont elle a pu mesurer les conséquences sur la ferme familiale dont elle est issue.
S'il est une émission à ne pas rater cette semaine, c'est celle-là !
- > Le blog de Marie-Monique Robin à propos de ce travail
Mots-clés : agriculture, international, OGM, développement durable
Derniers papoteurs/trices
→ plus de commentaires